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Épisode 8 : Le rapt final



Après l'information de tonte imminente par les espaces verts, j'attendis la fin de journée de ce jeudi 11 Juin, avant que le soleil ne se couche, afin d’aller récupérer la petite corneille. Cette fois-ci allait être plus difficile, parce que ses parents, qui m’identifiaient très bien et qui savaient que potentiellement je risquai de leur reprendre leur enfant, croassaient désormais à chacun de mes passages, comme pour me chasser afin que je ne la reprenne pas. Je trouvais cela positif. En effet, même si c’était peu flatteur, que ses parents croassent désormais contre moi lui offrait plus de chances de se désimprégner de l’humain.

La pluie était fortement tombée. Et j’arpentais les hautes herbes aux aguets du moindre mouvement. Quand je repérai la petite corneille, celle-ci, toute trempée, essaya avec force de s’échapper. Vigoureuse et habile malgré ses ailes trempées qui lui donnaient peu fière allure, je lui vis un art du camouflage et de l’esquive nettement augmenté, comme sa force physique. Sa mère me croassait dessus, cette fois mécontente que je la reprenne, contrairement à la première fois où je pense qu’elle comprenait que c’était nécessaire. Là, évidemment, elle n’avait pas de quoi comprendre mon intervention. Elle ne m'avait rien demandé, la petite allait mieux, et, elle, elle n'avait pas téléphoné aux espaces verts.

Maintenant, la petite corneille avait peur de moi. La dernière fois, elle était bien moins farouche, rappelez-vous, d’elle-même elle me montait sur l’épaule. Quand je l’avais redéposée dans l’herbe le mardi soir, il m’avait semblé percevoir une forme d’anxiété triste à me voir partir. Ou c’était la projection de ma propre tristesse de détachement. Non, cette fois-ci, elle avait entendu ses parents crier au danger à chacun de mes fréquents passages, et elle s’était bien désimprégnée de moi. Par conséquent, ce nouveau trauma de séparation allait être d’autant plus violent pour elle.

Ici, je m’arrête un instant. Parce que je me souviens qu’à ce moment de l’histoire, je pensais à notre perception du présent, et à ce que l’outil du Yi Jing (génial pour toute personne indécise qui aime jouer sa vie à pile ou face) m’a profondément enseigné dans mon rapport au quotidien. Je le savais en théorie, mais cet outil me l’a profondément ancré : ce qu’on perçoit est fragmentaire, les équations des choix que nous faisons occultent énormément de données, et une expérience violente ou absurde trouve parfois sa nécessité dans un ensemble plus large, qu’on comprend après-coup, une fois nos informations complétées. Focalisés sur l’espace où on souffre, on oublie de prendre de la hauteur. C’est vaste comme discours, mais c’est une dimension qui me plait à intégrer dans nos analyses de l’instant. Un événement est multidimensionnel. À l’échelle du temps, il a des implications, comme à l’échelle de l’espace, il ne signifie pas la même chose. # prêtresse de la sagesse des vérités profondément communes qui n’intéressent personne

Sur ce, je vous laisse méditer là-dessus ou pas, et vous envoler jusqu'à l'envol de la corneille...

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