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Épisode 3 : Oui je parle avec les oiseaux, et alors?

LÀ. Tout a commencé, ce matin de Juin. Le second pour être exacte.

De retour de ma chasse hebdomadaire qui après des milliers d’années d’évolution humaine me conduit au supermarché, je suis interpellée par des croassements intempestifs d’un troupeau de corbeaux paniqués. À l’entrée du sentier, côté garde-manger humain, du haut de leurs branches ils hurlent, ils s’agitent, et je constate comme un effondrement de leur habitat. Entre poteaux de grillage écroulés et lourdes branches affaissées et déchirées, j’aperçois au sol, un des leurs. Sous la pénombre des troncs un individu grisonnant tente sans succès de se cacher. Il a l’air complètement apeuré par cet environnement qui l’entoure, entre sol, troncs d’arbustes, grillages, et sentier passant très fréquenté. Lorsque je m’approche afin de vérifier l’ampleur du désastre et vérifier qu’il n’y ait pas de nid tombé au sol, un corbeau particulièrement virulent me croasse de dégager. Je tâche de l’apaiser. Je lui parle, pour qu’il comprenne mon intention. Il se calme légèrement, sans accepter que je ne m’approche plus. Je les sais paniqués, en détresse, après un accident qui a dû se produire il y a peu. Je m’en vais, la mort dans l’âme agitée de ses pauvres bêtes. Sans vouloir m’ajouter à leurs cauchemars.

De toute façon, hors de question de rater ma sortie plage avec mon ami Cris aujourd’hui après tant de confinement urbain, je n’aurais pas servi à grand-chose.

Sur le retour, à l’occasion d’un hérisson qu’on n’a pas pu aider sur une route très fréquentée, je parle de ces corbeaux à mon ami Cris. Leur détresse me restait dans la poitrine. Rien à voir avec le Covid du très beau texte de Gaël Faye.

Bref. À celleux qui pensent que s’émouvoir des animaux exclut de s’émouvoir des humains, sachez qu’en mon cas c’est non exclusif mais bien cumulatif.

En effet, du coup je pleure très souvent. Ça a ses défauts et ses forces, en tout cas c’est mon cas. Caca. Fiente. Bientôt sur le pantalon. Mais pas encore, on y vient on y vient. Et ce développement philosophique non scatologique quoique polémique, quant à l’empathie envers d’autres espèces, a déjà été esquissé [P.S : Pour celleux qui ont sauté cette partie vous pouvez vous rendre plus haut au DONC PAS LÀ de l'épisode 1 et également attendre l'épisode 4]

Alors, affaire de corbeaux… Passe casi une semaine, sans que je ne me tourmente davantage des oiseaux ni ne retourne chasser mon gibier préféré dans les dangereux sentiers de la grande distribution. Apprêtée à aller chasser du manger, au début du chemin, côté opposé au garde-manger en venant depuis mon garde-dodo, une corneille que je pense être un corbeau m’interpelle spécifiquement et me suit de près, comme pour communiquer avec moi. Je m’arrête, la salue et l’interroge.

Déjà à cet endroit, la corneille peut poser débat. Et elle le fait très bien, croaaaaaayez-moi.

Qui de vous pense que parler à un oiseau est idiot ou réservé aux vieilles femmes séniles en mal d’affection ?

Alors, certes, du haut de mes trente et quelques ans et malgré un cerveau un peu détérioré je ne m’estime pas encore sénile, mais peut-être, oui, ou pas, ais-je des soucis d’ordre affectif. Je reconnais. Et qui n’en n’a pas ? Si la majorité lève le doigt elle se le fourre bien profond dans l’oeil. Foi de quasi-psy. Bref.

En revanche, on peut tour à tour et sans choucas (choucas des tours, haha) se traiter d’idiots, mais parler à un bébé qui pourtant ne maîtrise pas non plus notre langage est-ce idiot ? Non, parce qu’il cerne en partie l’intention et que la communication se co-construit en tâtonnant. Pareil avec les corbeaux. Même si évidemment il y a un peu plus d’obstacles à se comprendre. Communiquer c’est évident et très facile, se comprendre, bon, là, bah, on fait comme on peut, et même en parlant la même langue avec un congénère humain c'est très délicat.

En tout cas j’affirme ma certitude, et pourtant je suis l’insupportable maîtresse du doute, que parler aux animaux est bénéfique à chacun (sauf quand c’est pour insulter ou se moquer, évidemment puisque les animaux perçoivent ces mauvaises intentions).

J’ai souvent constaté un abaissement instantané du stress et de la résistance pour des soins à faire à un animal qui y rechigne fortement. Prendre le temps de lui expliquer ce qu’on fait avec douceur fonctionne bien mieux qu’effectuer les mêmes gestes sans paroles bien intentionnées. Et je trouve ça passionnant d’utiliser une communication codifiée pour en créer une autre qui se passe des définitions de la première et qui ne reçoit que des sensations grâce à des mots incompris.

Bref, moi j’aime parler aux corbeaux, aux chiens, aux chats, aux morts, et jusqu’à mon ordinateur qui ne m’obéit pas, mais là je ne vous théoriserai rien sur les effets.

En tout cas, il me semblait mieux nous comprendre avec la corneille qu’avec les tréfonds électroniques de l'outil par lequel je vous parle en ce moment.


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