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Les lois de la corneille, épisode 1 : Au tout début d’une histoire d’oiseau, suis-je spéciste ?

En ce mois de Juin 2020, un étrange oiseau croisa mon chemin. Pour le meilleur et pour le pire. Le prenant sous mon aile, je m’emparai de la plume. Et lui volai finalement ses propres ailes. Alors je laissai ma plume de côté. Le temps d’un deuil. Un deuil d’oiseau.

Plusieurs mois après, je reprends ces écrits à la volée aveugle de leur destinée. Mon vécu aimerait glisser en cette fin de phrase le qualificatif de « tragique ». Je m’en abstiens par pure décence spéciste d’être humain.

Suis-je spéciste ? Ni plus ni moins qu’antispéciste. Développons.

Avis à qui me lis, si le développement de mon lien au spécisme vous intéresse moins que l’histoire de l’oiseau, envolez-vous plus loin. Où ce sera écrit ICI. Au prochain épisode.

DONC PAS LÀ. Il me fallût beaucoup d’années pour comprendre pourquoi les adultes cultivaient ce déni généralisé face à l’intelligence des animaux et face à notre connexion émotionnelle instinctive à nombre d’entre eux. Pourquoi chercher sans cesse « le propre de l’homme » ? Ce questionnement éternel me laissait perplexe. D’où leur venait ce besoin impérieux de se chercher une spécificité d’espèce, élogieuse de préférence ? Je préférais être attentive à ce qu’on avait de semblable.

« Par delà Nature et Culture » de Philippe Descola me procura vers mes vingt ans un soulagement sans nom. Rien que le titre m’ouvrait une grande joie : « Enfin ! Enfin on dépasse ce souci absurde de différenciation » J’en conseille la lecture, qui livre à notre conception étriquée du rapport de l’homme à la nature et aux autres espèces, une perspective anthropologique bien plus large. Bref. Disons que mon rapport aux animaux ne s’est jamais retrouvé pleinement dans le rapport occidental. Comme une majorité d’enfants, passé le temps des bâtons dans les yeux, j’avais spontanément une empathie très forte pour les animaux. Notre éducation culturelle cherche à nous en défaire. Accepter la nécessité de traiter les animaux en objets sans s’en émouvoir, c’est grandir. J’ai grandi un peu. Un peu.

Aujourd’hui je suis solidaire de mon espèce avant de l’être des animaux. Avant, vers huit ans, c’était moins simple. À mes éternels dilemmes philosophiques du genre : si on me contraint à tuer d’un coup de pistolet untel (un membre aimé de ma famille) ou mon chien, qui je tue ? La question taraudait fortement mes méninges infantiles. Évidemment, je choisissais de sauver le chien.

Bah oui.

Logique.

Le chien, dans nos regards, ne comprendrait ni l’enjeu de la situation ni ma cruauté à son égard. Il se sentirait douloureusement trahi juste avant de mourir. Untel, lui, un adulte qui m’aimait et me protégeait, aurait compris mon dilemme. Et il ne m’en aurait pas voulu, il serait mort avec empathie et compréhension.


Bon, heureusement ça n’est jamais arrivé. Big Up Papounet.

J'ai grandi un peu, parce que si je me retrouve avec un flingue à devoir choisir entre untel, enfin disons plutôt n’importe quel autre être humain, et un chien, et bien aujourd'hui je sauve l’humain. Alors, oui, certes, peut-être j’aurais quelques exceptions à faire, mais c’est une autre histoire.

Je ne suis donc ni plus ni moins spéciste qu’antispéciste. La réalité se rit des binarités qu’on veut toujours mettre partout « t’es ceci ou t’es cela ? ». Se dire être ceci ou cela pour se laisser modeler par le mot, se laisser modeler par ce qu’en disent celleux qui le brandissent, devenir une définition incarnée, rigidifier sa pensée pour épouser le concept ou pour se défendre d’être l’inverse, ne sont à mon sens qu’autant de prisons que chacun a à démonter.

C’est la réalité de ce que l’on perçoit qui doit se servir des concepts comme des outils, pas l’inverse. Chaque mot nous impacte, oui, par contre se modeler soi-même au nom d’un concept, c’est transformer l’outil en un maître. À ce propos, vous saviez que les corbeaux se servaient très bien des outils? Pour casser des noix certains se serviraient des voitures à l'arrêt au feu rouge en les glissant sous leurs roues pour qu'elles les écrasent au feu vert. Paraît que ça anime de gros débats dans leurs communautés. Il y a les corbeaux voituristes, les feurougistes, les feuvertistes, les pneuistes, il y aussi les antitech qui préfèrent les cailloux, et c'est pour ça qu'ils font autant de boucan.

Mais j'oubliais de vous parler de l'histoire...


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