Episode 5 : à la rescousse!
- Yuna S. Tourmen
- 5 nov. 2020
- 4 min de lecture
Arrivée à la maison, j’ai le Centre de La Faune Sauvage de Nantes qui me dit de la récupérer en la plaçant dans un carton afin de vérifier son état et de les rappeler. Je m’enquiers de chercher partout un carton, et trouve une caisse en plastique pour récupérer la corneille au sol.
Je mets des serviettes pour lui rendre la caisse plus confortable, lui prépare une coupelle de croquettes gorgées d’eau, prends des gants pour protéger mes mains, et une visière covid afin d’éviter de me prendre des coups de becs au visage, car même si je sens que la corneille perchée m'a interpellée, je me doute aussi que récupérer son congénère peut être un moment extrêmement stressant qui aille contre ses volontés de l’instant. Je prends même un chapeau. Sacrée dégaine…
Parée et prête à sortir effectuer ma mission de sauvetage, j’ouvre la porte de mon appartement, quand là ! Une fumée grise épaisse s’immisce du couloir à chez moi, dans laquelle évolue un pompier qui alerte chaque voisin de pallier encore dedans de s’enfermer le temps qu’ils maîtrisent complètement l’incendie de l’étage au dessus…
Bon… De toute évidence, ma journée ne devait pas se passer come prévue. J’appelle mes voisins de l’étage du dessus, vérifier qu’ils vont bien. Ils vont bien. Je prépare l’essentiel de ce que j’ai à sauver des flammes dans mon sac au cas où. Puis j’attends. Hormis qu’ils défoncent une porte à coups de hache à côté de chez moi, ça a l’air d’aller. Mon orgueil de sauveuse me chuchote que la corneille va s’impatienter et croire que je les ai lâchés.
Une fois libérée, je m’empresse de retrouver les corneilles. Les voisins qui me voient descendre avec ma caisse en plastique s’amusent à penser que je cherche à déménager mes affaires en sécurité. J’hésite un peu à expliquer que je me lance dans le sauvetage d’une corneille, parce que je crois que j’ai trop fréquenté de fétichistes de l’intellect qui méprisent les instincts dictés par la sensibilité, mais au final nul ne semble surpris, et tous s’enquerront du sort de cette corneille, en m’offrant leur aide au besoin.
Une fois parvenue au chemin, les corneilles ne semblent pas cette fois disposées à coopérer, perchées sur des hauteurs lointaines, impropres à m’indiquer la planque de leur protégée qui se déplace dans un espace quand même assez conséquent avec de multiples recoins. La dernière fois que j’avais aperçu la corneille blessée, en rentrant des courses, elle clopinait vers le talus de ronces, et si ça se trouve, elle s’y était cachée.
Dépitée, je prends mon mal en patience et explore la zone. Sans succès. Les passants me regardent d'un drôle d'air.
Au bout d’un moment, je rentre me chercher une Red Bull pour tenir le guet. Quand je reviens, sans l’empressement du matin, les corneilles finissent par m’indiquer l’endroit où leur congénère se cache, entre les hautes herbes. Comme si elles s'étaient mises d'accord en mon absence.
Je parviens à l’attraper, serviette en main, tandis que sa mère (ou père) vole à ce moment un peu près de ma tête en croassant, comme mû par un réflexe de panique, mais sans non plus me barrer le chemin, ni vraiment m’attaquer. Il me semble qu’ils comprennent tous deux mon intention, même si leur petit dont j’ignore encore qu’il est leur enfant, est quant à lui plutôt effrayé. Je lui parle avec tranquillité, même si je le prend également en photo et fait maladroitement tomber le téléphone dans la caisse, ce qui lui vaut un geste de frayeur courroucé bien marqué du regard et du bec, et me fait culpabiliser de l’avoir stressé davantage pour une photo inutile.
Je prends des herbes que je glisse dans la caisse, afin qu’au moins un élément ne lui paraisse familier dans cet environnement.
Arrivées à la maison, je la laisse, comme conseillé, dans une pièce calme et sombre et dans le grand carton fermé avec eau et croquettes, et rappelle le Centre de la Faune Sauvage. Là, la dame ne semble pas me reconnaître et s’empresse de me dire que sans doute est elle une juvénile, sans que l’on sache bien de quel oiseau il s’agit, car avec mes photos de ses ailes blanches qu’elle voit très mal sur son téléphone un peu désuet, elle pense initialement même à une pie, mais sans être ornithologue, je pense pour ma part bien à une corneille. J’insiste aussi sur le fait que, même si son aile, abîmée au niveau d’une plaie, ne me paraît pas forcément cassée, je me sens comme investie de la confiance des parents et que je ne me vois pas la reposer sans avoir l’assurance qu’elle soit en bonne santé.
Vas-y expliquer à une scientifique que tu ne connais pas que tu as eu une discussion avec une corneille qui t’a montré son enfant en te demandant de t’en occuper sans te laisser partir…
Bah… J’ai fait.
En expliquant également que j’ai conscience que mon interprétation était sujette à anthropomorphisme et au goût de se sentir comme une sauveuse, car peut-être ce comportement de la corneille à mon égard avait davantage été guidé par la peur. Elle m’avait reconnue, là il n’y avait aucun doute. Par contre, peut-être m’avait-elle assimilée à l’expérience traumatisante du jour de la chute de leur nid, et qu’elle aurait eût à mon égard un comportement erratique et maladroit qui l’aurait conduit à m’enseigner par mégarde l’endroit où se trouvait son petit, puis son insistance à passer devant moi dès que je m’éloignais n’était peut-être que l’expression d’une agressivité qui voulait me pourchasser. J’avais tout à fait conscience qu’un esprit extérieur et sceptique puisse penser cette vérité et elle existait en partie dans un recoin de mon mental, par contre, clairement, mon vécu était intimement persuadé de l’inverse. L’adorable vétérinaire penchait comme je m’y attendais et sans vouloir me vexer plutôt à la seconde hypothèse, mais elle ne me prit pas pour autant pour une allumée (ou elle eût la délicatesse de pas me le faire ressentir…).
La suite, vous en savez déjà beaucoup, ou pouvez la retrouver à l’épisode 2, là ou il y a écrit ICI. Enfin, cette suite que vous avez a priori déjà lue et qui nous avait conduit de St Nazaire jusqu’à une tique puis à un relâchement auprès de ses parents, n’était pas la suite entière, dont si vous avez été assidus et attentifs, vous connaissez déjà la toute fin. Mais pas l’avant de la fin.
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